Entendre l’inouï
Un article signé par Julie Ouellet-Courtois (Force Tranquille) - Accompagnement en méditation pleine conscience
On laisse rarement le silence s’installer. À peine a-t-il le temps d’approcher, de faire craquer le plancher, que déjà on sort l’artillerie lourde : le téléphone, la radio, la télé, le laptop, la tablette, la laveuse, la sécheuse, le blender.
Le bruit a quelque chose de rassurant. Il emplit le vide de vie. Estompe la solitude. Assourdit la pensée.
Les questions stridentes, les angoisses aigües, les problèmes graves.
Il étouffe ce qu’on ne veut pas entendre en-dedans. Les inconforts sourds qui s’amplifient dans le silence.
Quand le malaise cogne, on monte le volume. Un podcast sous la douche, une télésérie à la table, de la musique dans le bus. Bruit à bruit, brique à brique, on hisse des murs épais pour se couper du silence.
Le bruit devient abri.
Mais, dans ce cocon cacophonique, un autre danger nous guette : devenir sourd à nous-même.
Devenir dur de la feuille jusqu’à ne plus capter notre « petite voix ».
Ce murmure vague, lointain, issu du fin fond de nos profondeurs, dont les nuances ne se révèlent que dans la claire lumière du silence.
Cette vérité intime qui parle la langue des boussoles : elle nous chuchote des directions pour ne pas perdre le nord. Souffle des réponses. Comme un oracle.
Mais, dans le bruit, sa sagesse s’engloutit. Elle se perd.
Or, pour l’entendre, pas le choix d’éteindre le vacarme. Ou, du moins, l’atténuer.
On commence par fermer les bébelles à décibels. Le vieux tourne-disque mental. La bouche aussi. On retire les écouteurs. Puis, on se met en marche vers une île de calme, au large du chaos. Ou une presqu’île.
Un parking désert, un sentier en forêt, une allée de bibliothèque, un coussin de méditation, l’habitacle de l’auto, la salle de bain.
N’importe où. Juste un coin de silence. Une bulle.
Et, une fois notre refuge trouvé, on s’arrête. On laisse le silence venir. Se déployer. Emplir tout l’espace. S’écouler par nos oreilles, dans les petits plis du cerveau, ici et là, pour épouser le contour de nos pensées trop solides, les éroder lentement, par vagues. Diluer le tumulte.
La tête semble plongée sous l’eau. Le monde en sourdine. Il ne reste qu’une rumeur lointaine. Quelques jappements, des moteurs et des sirènes, le passage d’un avion, le vent, le blabla des pensées. Mais tout est feutré.
Puis, on pose la main sur le cœur. Et on écoute. Comme on colle un coquillage contre l’oreille, pour entendre la mer.
Toutoum.
(Attention, à ne pas confondre avec l’intro de Netflix…)
Toutoum toutoum toutoum.
Enfin, au fond du silence, on capte les ondes de l’inouï. On l’entend : l’écho de la petite voix.
On ne déchiffre pas tout, le son griche, mais on entend. L’oracle parle tout bas, tout le temps.
Pour apprendre son langage et en puiser la sagesse, suffit d’inviter le silence dans sa vie et de tendre l’oreille plus souvent…
D’ailleurs, la méditation est une merveilleuse façon de cultiver l’écoute et le silence intérieur. Voici une méditation guidée tirée d’un épisode des Méditations (im)parfaites : https://open.spotify.com/episode/3YLr69Lr7PgrqowPy7msyN?si=c6i7G7W7S2G2WFy3Js0LJQ